Allez, j'me lance. Voici le (tout) début d'une histoire qui avait germé dans ma tête... J'aimerais avoir votre avis, et n'hésitez pas à me le dire si c'est franchement mauvais .Le narrateur est un garçon (Pour l'instant ... sans nom).
Invisible
Chapitre premier.
Le lundi matin était un mauvais moment à passer. Mais je m’étais habitué. Se lever, s’habiller, aller au lycée, j’en étais capable sans jamais quitter l’épais brouillard dû à un réveil matinal. La journée commençait par deux heures de maths, rien de mieux pour se mettre dans l’ambiance.
En attendant le prof, je regardais les autres. Je ne connaissais que la moitié des noms, mais ça n’avait pas d’importance. L’année prochaine, on serait à nouveau séparés, et la plus grande partie des élèves de ma classe se perdraient de vue.
Personne ne m’adressa la parole, je n’y prêtais pas attention. Il faisait froid dans la salle de cours, le chauffage ne s’était pas encore mis en route. Notre prof, M. Karlson, avait l’air crevé. Sans un sourire, il commença son cours. Les lois de probabilité continues, ça s’annonçait bien. S’il y avait bien une matière que j’aimais, c’était les maths. Tout y est logique, rien ne pouvait y être qu' à moitié vrai.
J’observais les gens de ma classe. Endormis, pour la plupart. Je me demandais ce qu’ils faisaient là, à huit heures du matin dans cette salle gelée, si ça ne les intéressait pas. Je me demandais s’ils avaient des projets d’avenir.
Puis je m’aperçus que moi non plus je n’écoutais pas le cours, que le prof avait réussi, je ne sais trop comment, à rendre la chose monotone et inintéressante. Avais-je des rêves ? Un seul, mais irréalisable.
Vraiment, je la sentais mal cette année.
Ho, j’aurais sans doute le bac. Je ne m’en sortais pas trop mal dans l’ensemble, et la physique et les maths remontaient toujours mes moyennes. Mais avoir le bacho, ça ne servait plus à grand chose. Presque tout le monde était bac plus cinq, que ce soit l’informaticien ou le boulanger du coin.
Les deux heures s’écoulèrent si lentement que j’eus le temps de mourir et de ressusciter. Quand enfin la sonnerie retentit, je soufflais. Cinq minute de pause, le temps de changer de salle.
Anglais. Je m’assis rapidement dans le fond de la salle, à côté d’une fille qui ne pus retenir une moue boudeuse en me voyant. Désolé ma vieille, je me serais bien assis ailleurs s’il y avait eu de la place, crois-moi ! Je me préparais à replonger dans ma rêverie quand on frappa à la porte. La prof grimaça, ayant sans doute peur de perdre l’attention de ses élèves à cause de l’interruption. Sans un mot, elle alla ouvrir la porte, et se retrouva nez à nez avec le proviseur.
- Ho, Monsieur le Directeur ! Excusez- moi, si j’avais su que c’était vous, je ne vous aurais pas fait attendre ! minauda-t elle.
- Aucun problème Madame Jeferman. Grommela-t il. - Je vous amène une nouvelle élève.
Il s’écarta pour laisser entrer l’intéressée.
J’eus un choc. Elle était… À couper le souffle. Je n’avais jamais vu une aussi jolie fille. Plutôt grande, svelte, elle avait de longs cheveux noirs, raides, qui encadraient un visage aux traits fins. Mais ce qui retenait l’attention, c’ était ses yeux.
Immenses, bleu clair, ils ressortaient incroyablement sur sa peau foncée.
Elle s’avança d’une démarche souple et élégante, sans prêter la moindre attention aux regards désabusés que lui lançait l’ensemble de la classe. Le directeur la suivit des yeux, eut un bref sourire, puis referma la porte derrière lui.
Mme Jeferman toussota.
- Et bien… Bienvenue, Mademoiselle. Présentez vous rapidement au reste de la classe, s’il vous plait.
La fille lui jeta un sourire éblouissant, et la prof sembla se recroqueviller sur elle-même.
- Je m’appelle Soko. Je vivais à Oxford avant de venir ici. Dit elle en souriant.
Elle avait une voix mélodieuse, et un léger accent. Indéfinissable. Pas anglais, j’en étais persuadé.
Madame Jeferman sembla soudain très intéressée.
- D’Oxford, vraiment ? Tu parles couramment anglais dans ce cas ?
- Oui, en effet.
Pendant quelques secondes, la vieille prof sembla hésiter. Je savais exactement ce à quoi elle pensait. Entamerait-elle la discussion avec la nouvelle, en anglais, pour une fois, tenter d’impressionner ses élèves ? Mais si jamais l’étrangère ne comprenait pas ce qu’elle lui disait, elle aurait honte, et sa mésaventure se répandrait dans le lycée entier comme une traînée de poudre. Elle se résigna donc et sans un mot, fit signe à la jeune femme d’aller s’asseoir au premier rang, sur la chaise en face de son bureau.
Alors que la prof reprenait péniblement son cours, j’en profitais pour jeter un coup d’oeil à la fille. Elle sortit ses affaires d’un geste gracieux, et se plongea dans le cours.
La fin de l’heure arriva, mais à la place de l’empressement habituel que certains m’étaient à sortir de la classe, il se forma un attroupement autour de la nouvelle. J’y jetais un vague coup d’oeil, et ne pu retenir un ricanement. Sept ou huit garçons. Et vas-y que je me propose comme guide, et voilà que pousse les autres pour être sur le devant de la scène. Je tendis l’oreille, intéressé par la réaction de la fille.
- C’est très sympa de votre part, mais je saurais me débrouiller toute seule.
Pas trop mal comme répartie. Gentille, mais ferme. Mais ils ne l’écoutaient même pas, ils se contentaient de la dévisager. Je la vis pousser un minuscule soupire de résignation, ce qui me remplit d’une froide satisfaction.
Je me faufilais à travers les tables, et sortis à mon tour.
Je ne la revis pas de la journée, mais j’entendis beaucoup parler d’elle. Tout le lycée n’avait que son nom en bouche. La plupart des gens l’avaient déjà catalogué, j’en étais certain.
En arrivant chez moi, je m’installais directement derrière le vieux clavier qui me faisait office d’instrument. Le piano, c’était mon rêve de toujours. Je ne jouais pas trop mal, pour quelqu’un qui n’avait jamais pris de cours. La première fois ou j’avais tapoté des touches, je m’en souvenais comme si c’était hier. Et pourtant ça remontait à une bonne dizaine d’années.
Notre ancien voisin avait décidé de vendre. Il trouvait qu’il pleuvait trop dans la région, et il prévoyait d’aller passer ses derniers jours en Provence. Il m’aimait bien, je crois, ce petit vieux. On s’était arrangé : Je lui servais de petit-fils, et il me faisait office de grand père.
La veille de son déménagement, il descendit à la cave et en remonta, non sans effort, une vieille malle à moitié rouillée. Dedans se trouvait mon clavier. Il l’installa dans notre salon, me planta devant et me montra comment retrouver la note do. Pendant deux bonnes semaines, je me contentais donc de retrouver le fameux do. Je n’étais pas vraiment un casse-cou comme gamin. Prudent, je ne sortais jamais. Au bout d’un certain temps, j’osai m’aventurer sur les autres touches. Quelques mois après, je demandai à ma mère de me payer des cours de piano, mais elle refusa.
Depuis tout ce temps-là, je n’avais toujours pas reçu une seule leçon de piano. Mais je ne m’en plaignais pas. Ma mère n’aurait jamais pu me payer un prof. J’avais acheté « le solfège pour les nuls » il y à quelques années, et mes connaissances s’arrêtaient à ça.
Le piano, pour moi, c’était comme les maths, logique. Les sons remplaçaient les nombres. L’ordre dans lequel ils devaient se suivre et se mêler n’était qu’une grosse équation.