Par Mei - part 2/2
« Déjà qu’avoir ta voix dans ma tête est insupportable, ne me demande pas de t’avoir en vrai en face de moi !!! » hurlais-je mentalement.
« Je fais ce que je veux ! »Elle essaya de me donner un coup de mâchoire. J’esquivais avec souplesse.
« Non, mademoiselle ! »Je l’attaquais en feintant vers la gauche, la louve se retrouva immobilisée un court instant sous mon poids.
« Lorsque quelqu’un veut être seul, on le laisse tranquille ! » continuais-je, tandis qu’elle se débattait en grognant. La furie me fusilla du regard et me mordit. Je lâchais prise.
« Comme si rester seul à broyer du noir était une solution ! Tu es stupide, Jake ! »« Parce que me suivre sans me demander mon avis, c’est une solution pour toi ?! »Je l’avais mouchée, seulement elle ne voulait pas le reconnaître.
« Imbécile ! »« Peste ! » répliquai-je, en m’éloignant de la louve, prêt à reprendre ma route sans me préoccuper d’elle.
Et ce fut ainsi qu’elle commença à me suivre partout, comme un chiot abandonné par ses maîtres sur l’autoroute – la comparaison était de Quil. Je ne lui demandais pas ses raisons, parce que je m’en foutais royalement. Elle avait décidé de me suivre contre mon grès ? Soit, mais ce n’était pas pour autant que je devais me montrer gentil avec elle.
Chaque matin, je partais sans la réveiller, et lorsque le soir venait et que je ne voyais plus Leah derrière moi, je ne m’inquiétais pas. Je savais que le lendemain matin, elle serait là, à m’attendre…
*
« BUVEUR DE SANG A DIX KILOMETRES !!! » hurlait l’esprit de Leah, aussi excitée qu’une gamine le jour de Noël.
Réanimé à cette pensée étrangère, je sursautais etouvrais brusquement les yeux, tous mes sens en alerte. Le soleil n’était même pas encore levé et pourtant, Leah – la marmotte – n’était plus à mes côtés. Une fois un peu mieux réveillé, je perçus une odeur nauséabonde : celle d’un Vampire, aucun doute à avoir là-dessus… puis l’odeur de Leah sous sa forme de louve se mêla à la première odeur.Oh, oh, oh, joyeux Noël !
Des problèmes en perspectives…
Leah n’avait aucune chance seule face à une sangsue : son dernier combat ne lui avait donc pas appris cela ?!Lorsque je la rejoignis, elle fonçait sur le Vampire. Leur combat avait déjà commencé.
Caché, je les observais à travers par les arbres, guettant le moment propice à l’attaque. Le buveur de sang attendait de pied ferme un nouvel assaut de la part de Leah : il marchait avec aisance, et ses yeux avaient l’éclat rougeâtre du rubis.Sans même qu’elle ait le temps de le mordre, Leah se retrouva projetée contre un rocher. C’était prévisible.
Le Vampire, ayant visiblement une haute opinion sur ses capacités physiques, tourna le dos à la Louve, ce qui me donna l’occasion de contrattaquer. Je réussis à lui arracher le bras.
Les évènements prirent alors une tournure inattendue :
« Hey ! C’est moi qui l’ai vu la première !!! » marmotta Leah, en montrant les crocs dans ma direction, comme si j’étais moi aussi un Vampire.
Je me reculais avant que le Vampire ne puisse me mordre puis me tournais vers elle, babines retroussés.
« On n’attaque jamais de front une sangsue, surtout pas quand on est seul ! Combien de fois devra-t-on le répéter ? »Elle émit un grondement semblable au tonnerre.
« Je n’ai pas besoin de tes leçons de morale, espèce de faux prince charmant ! Si tu n’étais pas venu me déconcentrer, je l’aurais déjà fini…»« Ah oui ? »Répondant à ma provocation, la louve me fit tomber à terre.Nous commençâmes à nous battre, oubliant le Vampire que nous étions censés réduire à néant. Ce dernier eut le malheur d’essayer de nous attaquer pendant ce temps. Son sourire satisfait ne perdura pas.
« LA PAIX !!! » Nous avions répliqué cette phrase d’une seule voix, nous jetant tous deux sur un buveur de sang désormais terrifié.
Et sans savoir comment, ce qui devait être un combat à mort se transmua en jeu. Nos esprits ne firent qu’un. Ses pensées devinrent l’écho des miennes : on allait tuer ce Vampire et après, on finirait notre dispute sans être importuné.
Le vampire ne nous résista pas longtemps. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, son corps avait été disloqué par nos puissantes mâchoires. Nous nous regardâmes, complices, soudain de bonne humeur.
Leah fut la première de nous deux à redevenir humaine, derrière un arbre – heureusement qu’elle avait prévu des vêtements de rechange. Je l’entendis éclater de rire. C’était un rire franc et joyeux. Pour la première fois depuis bien longtemps, j’éprouvais le désir de changer, je voulais redevenir humain pour rire avec elle – car voyez-vous, les loups ne peuvent pas aussi bien rire que les humains.
- Arrête de te prendre la tête, l’entendis-je dire, tandis qu’elle sortait derrière son arbre pour mettre le feu aux restes du Vampire.
Elle m’envoya un short en plein museau et s’étira. Je lui tournais le dos en la maudissant : pourquoi me faisait-elle donc redevenir humain malgré moi ?
- Allez, transforme-toi qu’on puisse enfin avoir une discussion civilisée !
« Civilisé » et « Leah » n’allaient généralement pas de paire. J’émis un jappement en guise de moquerie.
- Comme tu veux, marmotta la jeune fille, en reportant son attention sur le feu.
Après cette chasse aux Vampires, le temps reprit son cours comme si ce début de complicité n’avait jamais eu lieu.
Nous restâmes aussi distants l’un et l’autre, et nous poursuivîmes notre route dans le vent du nord. Les conditions métrologiques étaient rudes pour les humains, comme pour les loups : la nourriture était rare, il n’y avait plus d’arbres pour nous abriter contre le vent, et je sentais la volonté de fer de Leah faiblir de jours en jours.
« Jake, faisons marche arrière… » dit-elle un soir, d’une voix lasse.
Il faisait froid, nous étions au fin fond de l’Alaska, face à une mer de glace. Je fis non de la tête. Je ne voulais pas revenir à Forks, c’était mieux pour Bella comme pour moi.
« Moi, je rentre… » annonça-t-elle, en commençant à s’éloigner de moi.
« Je suis fatiguée. »« Bon débarras ! » cria alors une partie de moi, ce qui eut pour effet de blesser la louve. Elle se mordit la langue, comme sujette à une tristesse infinie.
« Dans ce cas, adieu, Jacob Black » se contenta de répondre l’esprit de Leah, tandis qu’elle tournait les talons.
Je perçus sa route un instant, car elle galopait toujours sous sa forme de louve, mais dès qu’elle fut arrivé à l’orée d’une ville, je n’eus plus aucune nouvelle. J’émettais l’hypothèse qu’elle avait prit avant de quitter La Push, en plus de quelques vêtements, de quoi reprendre un avion en cas de problème.
A partir de ce jour, il n’y eut plus personne dans ma tête. Je fus réellement confronté au silence : un silence dur, aussi glacial que la peau d’un buveur de sang, sans une seule voix pour pouvoir le briser ou me distraire de mes pensées noires. J’étais bel et bien seul.
Je sentis mon cœur se serrer, en réalisant alors qu’
elle me manquait. Pire encore : à la place de Bella, dans mon esprit, se formait le visage de cette louve égocentrique, égoïste et têtue. Elle hantait désormais mes pensées. C’était impossible… et pourtant…
Je compris alors qu’il était temps de rentrer.
Ravalant ma fierté, je rebroussais chemin et courus nuit et jour sans m’arrêter. La nuit et le jour se confondaient à mes yeux, seul la volonté de courir la rejoindre demeurait. Je me sentais stupide de courir ainsi juste pour la revoir, pourtant, c’était uniquement pour cette raison que je revenais en arrière : au fond de moi, je désirais tellement redevenir Jacob Black !
Je courus, courus, courus, plus vite que le vent, jusqu’à ce que je retrouve ce qui avait été mon foyer. En y arrivant, je me fiai à mon odorat pour dénicher
son arôme parmi les autres. Lorsque je la retrouvais, elle était assise à la falaise sur laquelle nous nous étions disputés avant que je ne parte.
Le vent soufflait doucement dans ses cheveux, je la trouvais belle. Leah me remarqua et ouvrit des yeux gros comme des soucoupes, détaillant le loup couvert de boue que j’étais. J’avais conservé le short qu’elle m’avait lancé en pleine figure, un jour en Alaska, et par pudeur, je me cachais derrière un arbre avant de me transmuer. Le retour à la réalité fut douloureux : mon corps me semblait lourd et gauche, et mon manque de sommeil n’améliorait en rien les choses. Je m’avançais néanmoins vers elle, agacé. Ma voix était rauque et sortait difficilement.
- T’es vraiment une chieuse… Leah…
C’était ma première phrase en tant qu’humain – très poétique. Elle me gratifia d’un sourire malicieux et vint à ma rencontre, en me scrutant de manière énigmatique.
- Avoue que je t’ai manqué, fit-elle, amusée, en me tendant la main.
- Tu en serais trop heureuse ! répliquai-je, en prenant sa main dans la mienne.
Je lui souris et elle me rendit mon sourire, pour la première fois sans une once de méchanceté : il s’agissait là d’un sourire doux et sincère.
Un sentiment plus fort qu’une quelconque imprégnation nous unissait : l’amour, tout simplement.
THE END