Le chapitre le plus saisissant et riche en émotion ... Il marque un grand tournant dans l'histoire, je vous laisse le plaisir de déguster~
bonne lecture a toutes~
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Chapitre 6
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- Heaven, tu es au courant que j’ai ce don particulier de pouvoir lire clairement ce qui se cache derrière une personne, n’est ce pas ?
- Oui, et… ?
Je ne comprenais pas où il voulait en venir.
Il prit une longue inspiration.
- A vrai dire, il se trouve que je t’ai menti lorsque tu me demandais ce qui se cachait derrière tes yeux…Depuis le début, si tu me voies constamment c’est parce que je suis, ou j’essaye, de toujours être à tes côtés…Tu as tellement besoin que quelqu’un te protège Heaven, tellement besoin…
Il avait finit sa phrase dans un souffle.
- Alors c’est juste pour « ça » ? Juste parce que j’ai sois disant besoin de protection ? Et pourquoi dois-je être « protégée » comme tu dis ?
Je soutenais son regard, jusqu’à ce qu’il détourne les yeux. Il cherchait ses mots, c’était flagrant. « Protection » prétendait-il…Monsieur voulait seulement jouer les super héro ? C’était vraiment tout ce qui l’intéressait chez moi ? Mon incapacité à me protéger toute seule ? Je m’impatientais.
- Et bien vas y Monsieur le protecteur, dis moi ce que je ne sais p…
- Heaven, c’est à cause de ta santé si tu as constamment besoin de quelqu’un à tes côtés, les symptômes peuvent se manifester n’importe quand ! Essaie d’imaginer si personne n’est présent ! Tu sais, c’est l’un des sens les plus importants ! Ca pourrait être extrêmement dangereux ! Heaven, tu me comprends, n’est ce pas ?
Pas vraiment…Il parlait vite, trop vite peut-être…au point que sa respiration devienne saccadée… Je ne comprenais rien à son débit, rien du tout. Il semblait parler pour lui-même plus qu’autre chose. Trop impatient de pouvoir révéler ce qu’il tenait tant à me dire. Mais il balançait tout en vrac et j’avais pas mal de mal à rassembler les morceaux.
- Attends, attends ! Je comprends strictement rien à ce que tu me racontes ! explosai-je, dis moi juste clairement ce qui se passe !
Il essaya de reprendre son souffle et pour ce fait, il ferma ses yeux quelques instants. Il les rouvrit quelques secondes plus tard, le regard plus décidé que jamais.
- Heaven, en clair, il semblerait que tu ai une anomalie au niveau des …
Il ne finit pas sa phrase. Il fut pris d’une toux incontrôlable. Il chercha à reprendre son souffle mais ça ne fit qu’aggraver sa situation.
Paniquée, j’avais bondi de mon lit et arrachée les tuyaux et aiguilles logés dans mon bras. Trop brutalement sûrement, un filet rouge s’écoula de l’endroit où reposait l’aiguille. J’aurai du avoir mal sur le coup, mais comme à son habitude, je ne ressenti aucune douleur.
Quelques gouttes de sang ne tardèrent pas à briser l’union de la couleur immaculée du sol. Je me jetai aux côtés de Night.
- Mon Dieu, quelqu’un, vite ! criai-je.
De son côté, Night commençai à reprendre haleine, et sa toux disparut peu à peu.
- Etes vous toujours sûr que vous ne voulez pas rester en observation ? Votre état m’inquiète…même si cette toux a l’air moins grave que la précédente.
Une femme fit son apparition, peut-être une infirmière je ne savais pas trop, je ne parvenais pas à lire ce qui était écris sur sa blouse…La fatigue se faisait encore ressentir apparemment. Night échappa un dernier toussotement et se tourna vers l’infirmière, un insoupçonnable sourire aux lèvres.
- Non, non. Merci, mais je suis déjà suivi.
Je fis de rapide allé retour entre la nouvelle arrivante et Night. Je ne pus m’empêcher de demander.
- « que la précédente »… ?
Ce fut la femme qui me répondit.
- Oh vous n’avez sûrement pas dû y assister, vous étiez encore évanouie. Ce jeune homme eut une autre crise après avoir couru et vous avoir déposé sur ce lit. Nous l’avons forcé à utiliser le masque respiratoire, mais il le repoussait en nous ordonnant de nous occuper de vous en priorité. Vous avez un charmant petit ami mademoiselle si je puis me permettre, inconscient, certes, mais charmant.
En temps normal, j’aurai protesté, mais j’étais bien trop préoccupée à dévisager mon bienfaiteur, complètement abasourdie.
- Ce n’est pas la première fois que tu as ce genre de crises, n’est ce pas ? Ni la première, ni la deuxième, hein…
Ce dernier ne répondit pas, et ce n’était pas la peine, la réponse était évidente. Il avait tourné la tête vers sa droite et fixait les gouttes de mon sang à terre, puis se ravisa, et lança un regard meurtrier à la jeune femme d’une quarantaine d’années. Il semblerait que Night aurait préféré que je ne sache pas ce qui s’était passé.
Je m’adressai à l’infirmière, totalement indignée.
- Vous n’aviez pas à l’écouter ! Je vous rappelle que je n’ai eu qu’un simple malaise. Vous avez le sens des responsabilités, n’est ce pas ?
- Et bien mademoiselle, il se trouverait que votre cas soit aussi
préoccupant que celui de votre ami.
Soudain, la femme en bouse blanche disparut de mon champ de vision. J’avais l’impression que des flammes me dévoraient de l’intérieur. Mon mal de tête reprit de plus bel et mes yeux me brûlaient. Jamais ce « feu » fut aussi ardent. Humainement, je portai mes mains à mon visage, et je gémis de … douleur. Je n’en pouvais plus, j’aurai tout donné pour que cela cesse. Mon ouïe m’informa que l’infirmière et Night s’étaient précipités sur moi. L’ange aux yeux argentés qui se tenait à mes côtés essaya de me rassurer…et y parvint. Il avait pris mes mains dans les siennes, comment ne pas succomber ? Délicatement, il dévoila mon visage.
- Heaven, c’est moi, je suis là, tout va bien… regarde moi…
Le son de sa voix transparaissait une douceur inconcevable et balaya d’un souffle la douleur. Alors j’entrouvris le plus doucement possible d’ouvrir mes paupières. Et ce fut un trou noir qui apparut devant mes yeux. Une sorte de point au centre de mon champ de vision. J’aurai paniquée si je n’avais pas aperçu Night à ma droite…C’était inconcevable, je voyais clairement à la péripétie de mon champ de vision, mais pas au centre… Il me fixait de son regard le plus doux qu’il ne m’avait encore jamais dévoilé. Mon Dieu, qu’il était beau ! Tant de beauté pourrait être fatal à n’importe qui…Et ce genre de délit n’est jamais puni par la loi…Ses cheveux de jais criaient encore plus que d’habitude à l’anarchie et sa croix balançait lentement…pas besoin de ça pour hypnotiser, sa beauté seule suffisait amplement.
- Mademoiselle Destal, je vous prie, concentrez-vous sur mes mains. Dîtes moi combien de doigts voyez vous ? demanda la femme.
La question me parut inhabituelle et ce fut seulement lorsque je me concentrai sur le point central que je compris. Je ne voyais que quatre doigts finement manucurés à chaque extrémité du point noir.
- J’en vois huit.
Cette fois, elle s’adressa à Night.
- Jeune homme, combien en voyez vous ?
- … Dix, lâcha piteusement ce dernier.
- Bien…Heaven, déclara la fonctionnaire de l’hôpital, vous êtes atteinte d’une atrophie optique, plus spécifiquement de la maladie de Leber si l’un de vos parents en est lui-même atteint. Quoi qu’il en soit, le sang prélevé pendant votre sommeil confirme une anomalie aux niveaux de votre système oculaire. Généralement, la chute brutale de la vue ne se manifeste que dans l’un des deux yeux. Mais dans 50% des cas, qui est notamment le votre, c’est une bilatéralité qui survient, c'est-à-dire que vos yeux sont atteints en même temps. Cette maladie est sensée être indolore, mais il se trouverait que ce n’est apparemment pas votre cas. C’est assez inhabituel. Je vous prescrirai certains médicaments qui devraient soulager cette douleur.
- Vous…vous êtes médecin ? m’étonnai-je.
- En effet, je m’appelle Sylvianne Ditony, je suis ophtalmologiste.
Je me concentrai de nouveau sur la plaque accrochée à sa blouse mais ne parvins toujours pas à lire…Ma vue chutait, elle ne mentait pas…mon Dieu, « elle ne mentait pas ! » Cette révélation me fouetta en plein visage…elle ne mentait pas…
- Excusez moi, poursuivit-elle, je n’ai pas eu l’occasion de me présenter à vous jusqu’à maintenant, je m’occupe de vous depuis votre arrivée.
- …Quel jour sommes-nous ?
- Le jeudi 4 novembre, mademoiselle Destal.
J’étais donc allongée sur ce foutue lit d’hôpital depuis quarante-huit heures…Je balayai les environs, une pomme à moitié entamée demeurait posée sur la table de chevet.
A ma surprise, je tenais toujours les mains de Night dans les miennes. Les siennes semblaient être faites de glace à l’instar de les miennes qui brûlaient littéralement. Je ne pus m’empêcher de noter ce surprenant contraste. A la vue de ce fruit bien gentiment posé, une question se matérialisa dans ma tête.
- Dis moi, demandai-je à Night, depuis combien de temps es-tu là ?
Il détourna aussitôt le regard.
- Il est inutile de te mentir, n’est ce pas ? ... Depuis que tu es sur ce lit.
Je resserrai mon étreinte, accrochée aux mains de mon ange gardien aussi fort que je pouvais. Il se laissa faire. Il savait que j’en avais besoin…Mais il ne s’avait pas à quel point.
- Ne vous faîtes pas trop de soucis pour l’instant, reprit la voix du docteur Ditony, Vous n’êtes qu’au tout début. C’est un bon point pour le traitement. L’évolution de la maladie sera ralentit, mais…
- Docteur, l’interrompis-je, existe-t-il un traitement efficace ?
- … Pas pour l’instant, avoua t-elle, la greffe est toutefois possible mais il ne faut pas trop compter là dessus. Rares sont les gens qui acceptent de faire dons de leurs yeux… Mais dans le meilleur des cas, vous conserverez votre vue ! Avec quelques déficiences, certes, mais vous ne perdrez pas en qualité de vue. Il suffit de suivre notre traitement.
- Et au pire des cas ? m’enquis-je
Elle eut un moment d’hésitation.
- Dans le pire des cas, la maladie engendra une cécité totale, ce qui signifie la perte de votre vue.
Cette fois, ce fut Night qui serra mes poings dans les siens.
Elle poursuivit :
- Je vais devoir vous garder pour quelques examens. Nous devons procéder à un fond d’oeil. Suite à ceci, vous pourrez rentrer chez vous, mais vous allez devoir revenir chaque mois pour un contrôle de l’évolution de l’atrophie. Je vous conseille de profiter de toutes les belles choses à voir et de réaliser vos rêves…on ne sait jamais.
Elle eut un sourire triste à la prononciation de sa dernière phrase. Elle tourna les talons et juste avant de refermer la porte elle ajouta :
- Je vous laisse discuter, et je reviens vous chercher dans une quinzaine de minutes.
Puis, elle referma derrière elle, laissant deux âmes perdues dans un silence de souffrances mutuelles…dire qu’on appelle ça une médecin.
« Profiter des belles choses à voir » ? Mais la seule chose d’une beauté inimaginable que je voulais éternellement « voir » se tenait devant moi… Comment l’imaginer lui, son être et sa physionomie pour toujours ? Comment imaginer que je ne pourrai peut-être plus jamais me noyer dans l’océan de ses pupilles ? C’était donner un travail impossible et inconcevable à l’imagination. Je devais tout simplement l’apprendre par cœur comme on apprend une poésie, et ce, à temps limiter. Connaître chacun de ses traits, chacun de ses gestes tant qu’il était encore possible, le temps que nous laisserait sa maladie…et la mienne.
On resta assis l’un en face de l’autre, les mains dans les mains, les yeux dans les yeux. Il n’osait pas bouger, son visage demeurait immobile, semblant figer cette expression de tristesse pour l’éternité. Le silence est bien souvent préférable à tout un discours. Etrangement, plus les minutes défilèrent, plus mes lèvres transparaissaient un léger goût de salé…J’avais l’impression que mes yeux, ayant pris exemple sur mon bras, ne cessaient de saigner, chaque gouttes laissant sur son chemin un arrière goût de souffrance face au destin…
Le point central de mon champ de vision avait disparu, mais je savais pertinemment qu’il n’allait pas tarder à ressurgir, et son rayon un peu plus grand à chaque fois. Je ne croyais pas vraiment en l’efficacité de ces traitements qu’on allait m’infliger. Je n’étais pas défaitiste, simplement réaliste. C’est fou, c’est seulement lorsqu’on est sur le point de perdre quelque chose de précieux à nos yeux, dans le véritable sens du terme à mon égard, que l’on se rend compte de son importance…Sauf que lui, pour une raison qui m’échappait, comptait chaque jour un peu plus à mes yeux que n’importe autre chose au monde…à part ma vie. Problème, en ce moment même et depuis que je le connaissais, c’était lui, ma vie.
Le docteur Ditony pénétra dans la pièce silencieuse et m’invita à la suivre, ce que je fis sans un mot. Night voulu m’accompagner, mais cette foutue médecin lui dit que c’était impossible. Alors, lentement comme s’il avait peur que je ne m’envole, il me lâcha les mains pour les abandonner à la cruelle solitude qui me dévorait un peu plus à chaque pas m’éloignant de lui.
- Je t’attendrai le temps qu’il faudra, me promit-il de sa douce voix.
J’avais la gorge sèche et aucun son de ma bouche ne sortit…J’aurais tant aimer lui dire à quel point je lui serai éternellement reconnaissante… et à quel point je « l’aimais »…oui, je l’aimais de tout mon être déboussolé de recevoir autant d’amour…C’était le seul qui me comprenait et que, à mon tour, je comprenais en ce jour…Oui j’ai mis du temps à m’en apercevoir, mais j’avais bien mis toute ma vie à vivre véritablement pour la première fois. Mon Dieu, je l’aimais tellement…Et ce fut à ce moment précis que j’aperçus un masque respiratoire suspendu à un « porte manteau » à oxygène…
Encore combien de temps vas-tu m’attendre Night, encore combien de temps ? …
Fin du Chapitre 6 (2/2), suite a venir...