Chapitre 3 (2/2)
Je sortis de l'infirmerie. L'infirmière m'avait donné un sucre et le conseil de ne plus jamais sauter un petit déjeuné lorsque la veille n'avait été en rien porteuse de glucide. Je pris soin de refermer doucement la porte. Je commençais ma marche, le regard dans le vide lorsque je percutai de plein fouet quelque chose de solide. Le choc fut tel que je fus projetée en arrière. J'eu le temps d'entrapercevoir le regard moqueur de Night dans ma chute. Lorsqu'il s'aperçut que j'étais a terre, il manqua de se décomposer et se précipita à mes cotés.
- Oh pardon, je suis vraiment désolé, je pensais que tu allais t'arrêter! Tu n'as rien?
Sa voix se cassait et son inquiétude se fit de nouveau ressentir
- Non, rien de cassé, répondis-je en me massant le tête. Je m'arrêtais net lorsque je compris que j'avais percuté son torse. Je sentis çà nouveau mes joues s'enflammer. Il me tendit la main pour m'aider a me relever. Je ne la pris pas; à chaque contact de son corps, je prenais un coup violent, physiquement comme à l'instant, mais surtout phsycologiquement. Je devais me contrôler, alors j'évitais toute approche.
- Ca ira, merci.
A l'aide de mes mains, je me redressais aisément et dépoussiérai mon pantalon. Soudain, une question se matérialisa dans ma tête:
- Au fait, que fais tu là ? C’est l’heure du cours de biologie.
Je regardais aux alentours, les couloirs étaient déserts.
- Je m’inquiétais, alors je t’ai attendu.
- On ne sèche pas un cours parce qu’on est inquiet ! m’écriai-je.
- Non, tu as raison, mais s’il s’agit de toi, si.
De nouveau, je ne sus quoi répondre. Se rendait il compte de ce qu’il disait ? Il faudrait qu’il fasse plus attention a tout ce qu’il dit, il pourrait sans le vouloir être la cause de quelques morts.
Il s’adossa au mur puis se laissa tomber et reprit :
- De toute façon, les cours ne me serviraient à rien!
C'était vrai, à quoi bon étudier si ce n'était pour s'assurer un avenir? Je devais me résigner qu'il ne lui restait plus qu'une année. Je m'approchai et m'assis près de lui. Je prenais le risque de m'approcher, je le savais, mais je m'en fichais pas mal.
- Tu as raison, et à moi non plus, soupirai-je.
Il avait le regard fixée devant lui et n'avait même pas ciller lorsque je vins m'asseoir. La lumière du couloir était automatique et, comme aucun de nous ne bougeaient, ne tarda pas a s'éteindre, restant à l'affût de tout mouvement à venir. L'obscurité installée, je me sentis plus à l'aise. Je pris bon de le questionner:
- Dis moi, m'accorderais tu une question?
Il ne répondit pas tout de suite, comme pour profiter du silence. Mes yeux, habitués aux ténèbres m'informèrent que les siens étaient clos. Finalement, il me répondit:
- Je t'en prie.
- Pourquoi? Pourquoi diable t'es tu scolarisé?
- ... Peut être parce que je voulais avoir cette sensation d'être un adolescent normal...ce qui implique tout naturellement le lycée.
Je me pris à fixer sans réellement voir l'extincteur en face de moi et laissai échapper un long soupir.
- Pourquoi cette question, et pourquoi ce soupir? A quoi penses tu?
- Je me disais que finalement, on se ressemblait beaucoup. Beaucoup plus que je ne l'aurais cru.
- Ah ça, je le savais déjà! dit il d'une voix enjouée.
- Comment...?
- Je le sais, c'est tout! A vrai dire, j'ai cet espèce de sixième sens qui me permet de comprendre tout de suite les humains par leurs yeux, et ce que ceux ci me disent. Ne me demande pas d'où ça vient, moi même je n'en sais rien. C'est en partie la cause de mes difficultés à me lier d'amitié avec les autres adolescents de mon âge. Au premier regard, je découvre qui ils sont vraiment, à travers les apparences, et rares sont ceux qui possèdent un réel bon fond.
- Je vois...Et que disent mes yeux?
- Et bien, dit-il en se tournant vers moi, le regard triomphant, je ne pourrais te le dire. Je n'avais jamais vu ça auparavant, une sorte de sensation unique que j'aimerai connaître d'avantage. Je te tiendrais au courant dès que je saurais!
Il avait retrouvé sa bonne humeur.
- A mon tour! s'exclama t-il brusquement.
- De quoi? l'interrogeai-je non sans cacher mon étonnement.
- A mon tour de te poser une question!
Il semblait si heureux que cela me parut étrange.
- Je ne pourrais refuser, lâchai-je en grimaçant en dépit de mon naturel pudique.
- Dis moi, pourquoi ne t'ai-je jamais vu sourire, ne serait ce qu'une fois? me demanda t-il en retrouvant son air sincère. Il ne souriait plus. Je ne m'attendais pas à cette question et mis du temps à formuler ma phrase. Je préférais lui mentir que de lui dire la vérité, que j'en étais incapable.
- Je n'en vois pas l'intérêt.
- Oh, je vois...
L'avais-je blessé? Pour rien au monde j'aurai voulu érafler ses magnifiques ailes d'ange.
- Tu sais, reprit-il, mon père s'est suicidé en apprenant que ma mère était enceinte de moi, et celle ci mourut en me donnant la vie. J'étais et je resterais l'enfant que personne n'avait souhaité. Mon existence est une véritable erreur de la nature. Je porte sur mes épaules le poids de ces deux morts; et sans mon oncle, je les aurais sûrement suivis depuis longtemps. Mais même pour mon oncle, je ne suis qu'origine de malheurs. En pauvre homme au grand cœur qu'il est, il ne peut que s'en remettre à la promesse idiote qu'il avait faite a ma mère de toujours veiller sur moi. Ca doit être maintenant un soulagement pour lui de savoir que tout va s'arrêtez d'ici un an.
Je l'écoutais attentivement, avec admiration et effroi devant un tel passé. Je l'écoutais se dévoiler, montrer une page de sa vie resplendissante de pureté à l'être impure que j'étais. Puis il s'arrêta un instant et se tourna encore une fois vers moi. Il esquissa un sourire indéniablement forcé et ses yeux reflétaient l'incroyable tristesse qui se cachait au fond de lui.
- Tu voudrais savoir pourquoi je t'ai demander pourquoi tu ne souriais pas? Et bien, je sais de mon oncle que ma mère non plus ne souriais jamais, toujours le regard vide, dénué de vie. Lorsque mon oncle me dit cela, ce fut comme une révélation. Petit, je m'étais renfermé sur moi même et ne cessais de me répéter que tout était de ma faute, et du coup, moi non plus je n'aimais pas sourire. Et c'est à cette époque que mon oncle jugea bon de me comparer à ma mère. Et depuis, je ne cesse de me cacher sous un faux sourire, donnant l'illusion d'un bonheur omniprésent à tout ceux que je croise alors que je ne vois que dans leurs yeux une profonde lassitude de la vie. Ce monde est mal fait, tu ne trouves pas?
- Oh que oui...
Un nouveau silence s'installa. Night cachait bien des choses, et j'appris en cette matinée beaucoup plus de choses sur lui que je ne savais sur moi. Et je voulais rester ainsi à l'écouter pour le connaître tout entier et l'apprendre par cœur. Il enfuie sa tête dans ses bras, accroupi et semblant plus fragile qu'une fleur, prête à perdre toutes ses pétales.
- Quelque part, je cherche en toi ce que je ne pus trouver en ma mère...murmura t-il, ses bras faisant remparts à sa voix.
Avant que je n'eusse dit un mot, la sonnerie retenti, annonçant la fin des cours. La lumière s'alluma et m'aveugla au passage. Je ne pus que desceller les derniers mots que m'adressa Night:
- Je te dis au revoir, Heaven.
Et je compris de suite qu'il s'était volatilisé parmi la masse d'élèves sortant des cours, plus indésirables et détestables que jamais. J'étais totalement sonnée. J'eus du mal à me relever et à comprendre où je me trouvais. Mais petit a petit, je retrouvais mes esprits. Le cours de Madame Lonest allait commencer.
Arrivée au seuil de la classe, j'eus un moment d'hésitation. Mais sachant qu'on ne pouvait échapper à son devoir, je me forçai à franchir cette barrière invisible que je m'étais moi même imposé. Je pris ma place habituelle au fond de la classe. Puis, le silence retomba, le cours allait commencer. Bien entendu, je n'arrivais pas à me concentrer. Après tout, comment pouvait-on se concentrer après ce que je venais de vivre? Je voyais les lèvres de l'enseignante bouger mais aucun son ne me parvenait. Laissant tomber le déroulement du cours, je remarquai la place vide qui se situait elle aussi au fond, mais à l'opposer d'où j'étais. Je regardais autour de moi, Night s'était absenté, et sa place semblait plus inerte qu'elle n'avait jamais été.
Je soupirai, où donc était-il allé? Soudain, la voix de Madame Lonest me parvint, comme si on avait augmenté le son d'un vieil récepteur radio. Le brouillard qui régnait dans ma tête s'était dissoute et je voyais de nouveau clair. Je jetais à nouveau un regard à la chaise vide d'en face, mais je ne ressentis rien. Mes sentiments s'étaient à nouveau envolés.
Fin du chapitre 3 (2/2), chapitre 4 a venir...